Sexualité et handicap : lever les tabous sur un besoin fondamental
Et si on vous disait que l’un des plus grands tabous en lien avec la sexualité n’est pas ce qu’on imagine? Encore aujourd’hui, les désirs affectifs, amoureux et sexuels des personnes vivant avec un handicap sont souvent ignorés, voire niés. Pourtant, l’intimité, l’amour et une vie sexuelle épanouie font partie des besoins fondamentaux de tout être humain. Il est grand temps d’ouvrir la discussion.
Au Canada, environ une personne sur sept âgée de 15 ans et plus mentionne vivre avec une incapacité qui limite ses activités au quotidien. Cela représente donc près de 4 millions de personnes.* Près d’un quart d'entre elles vivent avec des limitations considérées comme très sévères. Ce sont des réalités qui, bien souvent, restent invisibles dans les conversations sur la sexualité et l’intimité.
Le besoin d’intimité ne disparaît pas avec le handicap
Le désir de tendresse, de complicité, de toucher, d’être vu et reconnu dans sa valeur humaine ne disparaît pas parce qu’une personne vit avec un handicap. Au contraire, ces besoins peuvent devenir encore plus criants lorsqu’une personne est confrontée à l’isolement, à la dépendance ou à une invisibilisation de sa vie affective.
D’ailleurs, ces personnes expriment souvent leur envie de vivre en couple, d’avoir une relation stable, de recevoir de l’affection ou simplement d’être regardées comme des êtres désirables. On comprend également que ces désirs ne sont pas nécessairement liés à l’activité sexuelle en tant que telle puisque cela peut être aussi simple que d’avoir envie de se faire prendre la main, d’échanger un regard complice ou encore de ressentir une chaleur humaine. Refuser de reconnaître ces besoins, c’est priver quelqu’un d’une part essentielle de son humanité.
Des réalités multiples, des obstacles bien réels
La sexualité des personnes vivant avec un handicap n’a rien d’uniforme. Comme tout le monde, certaines personnes vivent pleinement leur vie sexuelle et affective, tandis que d'autres rencontrent des obstacles importants.
Parmi les principaux freins, on retrouve :
- le manque d’intimité, notamment en milieu d’hébergement ou lorsqu’on dépend d’un proche ou d’un intervenant pour les soins personnels;
- la dépendance physique, qui peut nécessiter de l’aide pour explorer ou exprimer sa sexualité;
- l’infantilisation fréquente des personnes handicapées, qui sont parfois perçues comme asexuées ou éternellement mineures;
- le rejet social ou les préjugés qui persistent;
- l’absence d’éducation sexuelle adaptée, qui prive les personnes de connaissances sur leur corps, leurs droits ou les moyens d’explorer leur intimité de façon sécuritaire.
Ces barrières ne sont pas insurmontables. Des ressources existent, même si elles sont encore trop peu connues. Certaines organisations spécialisées offrent de l’accompagnement, de l’éducation ou encore des espaces sécuritaires de discussion bienveillante.
Le rôle clé des proches et des professionnels de la santé
Que l’on soit un proche, un aidant, un professionnel de la santé ou un intervenant dans un milieu de vie, il est essentiel d’adopter une posture d’écoute, de respect et d’ouverture.
Il est important de :
- reconnaître que les besoins affectifs et sexuels font partie de la santé globale;
- éviter les jugements ou les malaises quand ces sujets sont abordés;
- créer un environnement qui permet aux personnes de parler de leurs besoins, de poser des questions ou d’exprimer leurs limites;
- former les intervenants à ces enjeux, car trop souvent, la sexualité est laissée de côté dans les milieux de soins.
Il ne s’agit pas de tout autoriser ou d’encourager des comportements inadéquats, mais bien de reconnaître que chaque personne a le droit de vivre une vie affective et sexuelle épanouissante, à sa manière et selon ses besoins.
Accompagner sans imposer : un soutien respectueux
Il faut être prudent dans l’accompagnement sexuel et affectif à ne pas imposer une vision extérieure de ce que devrait être la vie intime d’une personne.
Il faut plutôt :
- informer sur les droits, les possibilités, les outils d’adaptation;
- soutenir les démarches d’exploration ou de développement personnel;
- respecter les limites, les valeurs, le rythme de la personne concernée.
Dans certains pays, on parle même d’assistants sexuels, des personnes formées pour aider à vivre une sexualité de manière encadrée et éthique. Ce sujet reste délicat et controversé, mais il soulève des questions importantes sur l’inclusion et la dignité des personnes en situation de handicap.
L’essentiel, c’est que la personne concernée soit au cœur de la démarche. Elle seule peut nommer ses besoins, ses envies, ses peurs ou ses limites. L’accompagnement ne doit jamais être dirigé par les peurs ou les projections de l’entourage. Pour ce faire, il faut miser sur une communication ouverte et bienveillante.
Vers une société plus inclusive
Briser les tabous autour de la sexualité et du handicap, c’est reconnaître que chaque personne mérite d’être aimée, touchée, désirée et respectée dans son intégrité. C’est aussi rappeler que le plaisir, l’amour et l’intimité ne sont pas des privilèges, mais des besoins fondamentaux.
Ouvrir la discussion, c’est déjà faire un pas vers plus d’inclusion, de bienveillance et de justice. Nous méritons tous de nous épanouir sexuellement, à notre façon.
Article rédigé en collaboration avec Au lit avec Anne-Marie
Sources
*Statistique provenant du Gouvernement du Québec https://frq.gouv.qc.ca/projet/handicap-droit-a-la-sexualite-et-assistance-sexuelle-quelles-avenues-possibles-2/