L’alimentation influence-t-elle les effets des médicaments?
Vous a-t-on déjà dit que le mélange « jus de pamplemousse et médicaments » est dangereux pour l’organisme. Cet article se penche sur la question et va plus loin encore dans la réflexion. Par exemple, est-ce que certains groupes d’aliments spécifiques peuvent provoquer des effets nocifs pour la santé lorsqu’ils sont pris conjointement avec certaines classes de médicaments? Si oui, pourquoi et quels en sont les risques? Faisons le point sur un sujet plus complexe qu’il n’y paraît.
Les interactions médicaments-aliments
On parle d’interactions médicaments-aliments lorsque les aliments que l’on consomme peuvent modifier la réponse de l’organisme à la médication. En effet, ils peuvent agir sur les différentes étapes par lequel passe le médicament lorsqu’il est pris par voie orale. Ainsi, son absorption, sa distribution, son métabolisme et son élimination ont des risques d’être affectés. Plus spécifiquement, c’est la biodisponibilité des médicaments – fraction de dose administrée qui est réellement absorbée par l’organisme – qui est habituellement la plus touchée. Lorsque des interactions médicaments-aliments se produisent, la biodisponibilité des médicaments est modifiée, ce qui entraîne des variations de concentration, d’efficacité ou de toxicité chez ceux-ci. En outre, l’alimentation influence l’action des médicaments en atténuant, diminuant ou renforçant leurs effets pharmacologiques et secondaires.
Les personnes ci-dessous sont les plus à risque d’être exposées aux interactions médicaments-aliments :
- Les personnes âgées polymédicamentées;
- Les personnes ayant subi une transplantation;
- Les personnes atteintes d’un cancer;
- Les personnes séropositives;
- Les personnes dénutries
Faut-il prendre la médication à jeun ou en mangeant?
D’une part, lorsqu’il est recommandé de prendre un médicament lors d’un repas, c’est souvent dans le but d’en réduire les effets secondaires. En effet, la nourriture permet de protéger l’estomac des effets irritants de certains médicaments contre la douleur comme l’ibuprofène et le naproxène. Plus précisément, les maux d’estomac, les reflux gastriques, les nausées et les vomissements risquent d’être atténués si la médication provoquant ces symptômes est prise accompagnée de nourriture.
D’autre part, il est parfois préférable de prendre ses médicaments quelques heures avant ou après avoir mangé. Lorsqu’un médicament est pris par voie orale, il doit passer par la circulation sanguine pour exercer son effet. Pour y parvenir, il doit nécessairement être absorbé par les parois du système digestif. Comme la nourriture doit emprunter le même chemin que les médicaments dans l’organisme, sa présence peut compromettre, entre autres, le degré d’absorption de ces derniers. On retrouve donc ci-dessous quelques groupes d’aliments où la prise conjointe de certains types de médicaments est déconseillée.
Les interactions médicamenteuses avec le pamplemousse
Les études sur les interactions médicamenteuses avec le pamplemousse sont nombreuses et ont permis de constater qu’environ 85 médicaments disponibles sur le marché sont susceptibles d’interagir avec cet aliment et ce, en raison du fait qu’il inhibe le métabolisme hépatique des médicaments. Par conséquent, il y a une hausse des concentrations de ceux-ci et un risque accru d’effets indésirables qui peuvent menés à de graves complications. Les personnes âgées de plus de 45 ans et qui sont sous polymédication sont les plus à risque de ces interactions.
Plus particulièrement, les gens prenant les médicaments dans les classes suivantes devraient s’informer auprès de leur professionnel de la santé avant de consommer du pamplemousse, sous toutes ses formes, dans les deux heures précédant la prise de médicaments et limiter la consommation du jus de pamplemousse à ¼ de litre par jour au maximum :
- Statines
- Antihypertenseurs
- Antiangineux
- Immunosuppresseurs
- Antidépresseurs
- Agents anti-infectieux
- Inhibiteurs calciques
- Benzodiazépines
D’autres agrumes peuvent également être en interaction avec des médicaments comme l’orange de Séville, les limettes et les pomelos. La plupart des autres agrumes n’interagissent pas avec les médicaments.
Les produits laitiers et les médicaments
Les produits laitiers sont habituellement riches en calcium et c’est ce dernier qui peut nuire à l’absorption de certains médicaments. En effet, le calcium étant un ion positif, il a tendance à se fixer à un ion négatif. Il se forme alors un complexe dont le volume devient trop important et qui, conséquemment, ne peut être absorbé par l’intestin grêle. Le médicament se retrouve à être éliminé dans les selles plutôt qu’acheminé à son site d’action. Ainsi, les médicaments susceptibles de se lier au calcium doivent généralement être pris d’une à deux heures avant ou après les repas. Parmi ceux-ci on retrouve des bisphosphonates, qui traitent l’ostéoporose, et certains antibiotiques tels que la tétracycline, , la ciprofloxacine et la norfloxacine.
Interaction entre les anticoagulants et les aliments riches en vitamine K
Les personnes qui prennent de la warfarine (Coumadin), ou d’autres anticoagulants de type antivitamine K, doivent porter une attention particulière à la présence d’aliments contenant des quantités importantes de vitamine K dans leur alimentation. Effectivement, les anticoagulants sont prescrits pour éclaircir le sang et prévenir la formation de caillots dans celui-ci. Comme ils empêchent la fabrication de vitamine K, les aliments qui en sont riches ont donc pour effet de contrecarrer leur action, rendant les anticoagulants inefficaces. Ainsi, pour les personnes sous traitement de warfarine, il ne s’agit pas d’éliminer la prise d’aliments riches en vitamine K, mais d’en garder une consommation stable pour éviter des déséquilibres potentiellement dangereux.
Ci-dessous, on retrouve une liste des aliments à faire attention :
- Légumes verts (choux de Bruxelles, brocoli, chou, laitue, épinards, etc.)
- Thé vert
- Algues
- Abats
- Huile de soya et de colza
- Lentilles
L’alcool et les médicaments
Combiné à la prise de certains médicaments, l’alcool peut réduire la vigilance et provoquer de la somnolence. Il est également connu pour favoriser l’absorption de médicaments liposolubles – c’est-à-dire solubles dans les graisses – et potentialiser les effets de ceux-ci :
- Tranquillisants (anxiolytiques de type benzodiazépines)
- Hypnotiques
- Neuroleptiques
- Antidépresseurs
- Analgésiques centraux (tramadol)
- Médicaments antiallergiques
Aussi, un cocktail d’alcool et d’anti-inflammatoires (comme l’ibuprofène) ou d’aspirine peut causer des brûlures d’estomac et des reflux acides. Enfin, certains médicaments réduisent le métabolisme de l’alcool, ayant pour conséquence une augmentation du phénomène de toxicité de ce dernier. Cette hausse de toxicité survient généralement avec les médicaments suivants :
- Disulfirame
- Métronidazole
- Céphalosporines
- Sulfamides hypoglycémiants
Quelques conseils pour éviter les effets néfastes des interactions médicaments-aliments
- Consulter votre pharmacien.
- Privilégier l’eau lors de la prise des médicaments.
- Lire attentivement les étiquettes sur tous les contenants de médicaments consommés.
- Être conscient que certains nutriments présents dans les suppléments et produits de santé naturels peuvent interagir avec les médicaments.
- Tenir à jour une liste des médicaments utilisés, y compris ceux en vente libre, et préciser avec quoi ils sont ingérés.
En somme, il est vrai que la nourriture peut avoir une influence sur l’effet des médicaments en compromettant ou en favorisant leur absorption et leur métabolisme. Toutefois, il ne faut pas bannir pour autant tous les aliments causant des interactions médicamenteuses. Il suffit de les manger à quelques heures d’intervalle de la prise des médicaments concernés et d’en limiter, lorsque nécessaire, la consommation. L’objectif est toujours d’avoir une alimentation variée et équilibrée. Aussi, il est important de retenir qu’une multitude de médicaments peuvent être pris indépendamment de la présence ou non de nourriture. En outre, il n’y pas de règle universelle à suivre pour ce qui est des interactions médicaments-aliments et, dans le doute, le pharmacien demeure votre meilleur allié pour vous informer sur le sujet et répondre à vos interrogations.
Familiprix en collaboration avec Hubert Cormier